Hélène Doub
Aïda Schweitzer est une artiste française vivant au Luxembourg à la pratique singulière, à la croisée des enjeux sociaux, sociétaux et éthiques de nos vies contemporaines. Autodidacte, sa pratique s'articule dans un champ pluridisciplinaire autour du dessin, des installations, et de la performance (et plus récemment renoue avec la vidéo), ces pratiques se répondant et se nourrissant l'une l'autre. Son travail nous pousse à regarder la société occidentale dans un miroir cru, reflétant ses mécanismes d'oppression, ses contraintes structurelles liées aux genres, aux classes sociales ou aux origines ethniques.
Dans ses performances, Aïda Schweitzer utilise son propre corps comme révélateur, au sens photographique du terme, de nos carcans intellectuels, de nos préjugés et de nos peurs. Elle s'inscrit toujours en marge de la norme et de l'officialité, elle nous force à regarder où nous ne voulons pas poser nos yeux : sur des corps hors des canons publicitaires qui souffrent ou résistent, sur des comportements en dehors des conventions sociales, sur des êtres hors-circuit. Elle nous invite à considérer les conditions faites aux femmes dans la société, auxquelles s'ajoutent les difficultés liées au statut économique, social et à la couleur de peau. Elle le fait souvent avec subtilité, en détournant l'usage de certains objets ou comportements ordinaires, que nous oublions de remettre en question tant ils nous sont familiers.
Ses dessins et aquarelles donnent un autre visage à sa révolte. Elle réalise des formes organiques aux couleurs vives et séduisantes. Ces formes, telles des organismes vivant en symbiose, sont reliées par un cordon étroit qui dessine ainsi leur interdépendance, que l'on devine fragile. Ces cellules rappellent les plantes à rhizome qui forment de vastes réseaux souterrains afin de survire aux conditions climatiques difficiles et aux sols pauvres. Ces dessins sont une sorte de cartographie visuelle de la résilience. Aïda Schweitzer a su trouver au fil d'une carrière déjà longue des compagnons de route qui défendent une forme d'art qui entrecroise l'activisme et les recherches esthétiques. Aïda Schweitzer a su s'inscrire dans le monde de l'art contemporain par le biais de collaborations prestigieuses (Galerie Bertrand Grimont, Fondation Herczeg) et divers partenariats avec des commissaires d’expositions (Julie Crenn, Isabelle de Maison rouge, Kisito Assangni).
Kultur | Lx Arts Council Luxembourg
Re-Retour de Babel
Re-retour de Babel
17.09—11.12.2022
Centre d’art Nei Liicht Rue Dominique Lang - Dudelange
Centre d’art Dominique Lang Gare Dudelange-Ville - Dudelange
Artistes :Bani Abidi, Luisa Bevilacqua, Justine Blau, Marco Godinho, Nicoline Van Harskamp,Immy Mali, Chantal Maquet, Julie Polidoro, Marianne Misperlaëre, Aïda Patricia Schweitzer,
Emily Speed, Barthélémy Toguo
Ses yeux mouillés de pluie
Installation, 2022 - Broderies sur un linceul de coton funéraire
30 cm x 30 cm - Photo: Mike Zenari
Nos peaux colorées d'une teinte d'espoir
Installation, 2022 -Deux coussins imprimés - jet d'encre
avec broderies sur lin - 40 cm de diamètre
Photo Anna Krieps
Julie Crenn
Artiste autodidacte, Aïda Patricia Schweitzer (née en 1968) vit et travaille entre le Luxembourg et la Belgique. Elle développe depuis les années 2000 une pratique transdisciplinaire où son corps constitue la matrice centrale de sa réflexion plastique. Du dessin à la peinture, en passant par l’installation, la broderie et la performance, l’artiste s’empare d’une pluralité de médiums à des fins à la fois critique et poétique. Avec l’ambition de bousculer des codes, des formes et les matériaux, elle tend à déplacer les points de vue sur l’Histoire, les identités, les inégalités et les rapports de dominations qui existent par delà les époques et les cultures.
À l’occasion de sa résidence au H2/61.26 à Casablanca, Aïda Patricia Schweitzer travaille à une reconnexion avec son histoire intime. D’origines égyptienne, chaouie et française, l’artiste souhaite explorer une identité plurielle par le biais du voyage et du nomadisme en particulier. Très jeune, elle part en Égypte en quête de traces de son histoire. Elle rencontre sa grand-mère. Plus tard, elle poursuit les voyages et se rend au Maroc. Elle débute un séjour dans le désert, où elle fait la connaissance de Bédouin.e.s avec qui elle décide de rester un temps. Dans cette expérience de type introspective, elle découvre un mode de vie, des codes, une langue, une solidarité, un rapport au territoire. Au fil du temps, à la manière d’un patchwork, elle pense des liens entre ses origines et les rencontres. Les Chaouis, Berbères d’Algérie, sont un peuple nomade dont les objets, les pratiques et les symboles seront intégrés à d’autres éléments issus d’une histoire personnelle. Le personnel rencontre inévitablement le collectif. Le voyage physique et mémoriel entre l’Europe et l’Afrique du Nord constitue le point de départ d’une réflexion portée sur une histoire collective partagée, ainsi qu’une histoire personnelle dont l’écriture est en cours.
Le corps de l’artiste et le désert, envisagé tant comme un corps qu’un territoire, trouvent une place centrale au creux d’une recherche basée sur la mobilité, le mouvement, le nomadisme et la reconstruction. L’artiste mixe des symboles et des pratiques issus de différents héritages, de différentes cultures et histoires pour en faire ce qu’elle nomme un patchwork visuel, matériel et symbolique. L’installation, formée de matériaux à la fois artisanaux (céramique, henné, pyrogravure, broderie, papyrus) et industriels (palette, traces de pneu, wax) engage une pensée de la lutte, de la résistance et du dilemme. Une pensée située dans un entre-deux, une zone à la fois réjouissante, parce que nourrie d’apports culturels multiples, mais aussi une zone de conflits permanents vis-à-vis d’une histoire aux ramifications nombreuses. Au centre de l’installation, un sac de frappe entaillé à différents endroits se vide de son contenu. Le sable s’écoule et recouvre lentement le dessin d’une boussole tracé au sol. L’artiste traite ainsi du voyage, mais aussi des repères, de la rencontre et de la perte. Une violence s’établit dans l’interaction des éléments et des symboles. En ce sens, les coussins réalisés à partir de Dutch wax renvoient à l’histoire coloniale et à la question de l’authenticité culturelle (cette prétendue authenticité réclamée par les Occidentaux aux artistes racisé.e.s), ici mise à mal par des tissus devenus les symboles dichotomiques du colonialisme et du panafricanisme. L’artiste brode, tatoue et grave également des Adinkra, des symboles graphiques créés par les Akans et les Baoulés en Afrique de l’Ouest. Aïda Patricia fait ainsi apparaître les symboles de la persévérance, de la lutte ou de la féminité. Par eux, elle nous livre le récit fragmenté de son histoire dont elle rassemble les morceaux.
Situation tracée #1 fonctionne comme un rébus où sont articulés des codes, des symboles, des secrets, les éléments d’un langage crypté qui traduit une difficulté : celle de retranscrire et de donner forme à son histoire personnelle. L’œuvre est un autoportrait dont chacune des dimensions rejoint le corps central, le sac de frappe suspendu, percé et se vidant de son contenu. Un corps blessé. La réflexion plastique d’Aïda Patricia Schweitzer repose alors sur l’analyse, la mise en dialogue et le déplacement de symboles intimes et culturels. L’œuvre forme la synthèse d’une recherche interculturelle visant à une guérison, une réparation. À partir d’un corps, d’une histoire, Aida Patricia Schweitzer sculpte et brode de nouvelles trajectoires, des perspectives croisées, de violences sourdes, d’une mémoire commune.
A écouter : 35:7
☛ https://artistesmanifestes.fr/2020/11/01/episode6-julie-crenn/
Les princesses n’attendent plus leurs princes sanglants
Performance - La marche des princesses rebelles
TERRITOIRE #5.5
Les princesses n'attendent plus leurs princes sanglants
festival de performances dans l'espace public
openspace Nançy
30.07.22> 31.07.22
Curateur: Vincent Verlé
Avec le soutien de Kultur | lx – Arts Council Luxembourg
Artistes :
Céline Ahond, Rachele Borghi, Ana Colute, Paola Daniele, Marinette Dozeville,O.K Kanlongi, Camilla Penzo, Slavina, Aïda Schweitzer
☛ https://www.kulturlx.lu/aida-schweitzer-invitee-au-festival-de-performances-territoire/
☛https://www.opn-space.com/